Traitement Du Diabète

Le rôle physiologique du pancréas, en tant que glande digestive, a été mis en évidence par Ch. BERNARD.En 1877, LANCERREAUX – en découvrant le diabète pancréatique – a montré que le pancréas est aussi une glande assimilatrice.En suivant les traces de notre illustre maître, nous avons entrepris une modeste contribution à la physiologie du pancréas – qui est l'œuvre pour ainsi dire exclusive de la science française.Aussi nous venons, par cette communication1, apporter à la noble France, – qui, par LANCERREAUX, ancien membre et président de votre savante assemblée, nous a montré le chemin de la vérité scientifique, – le tribut de notre admiration et de notre reconnaissance. Depuis une quinzaine d'années, nous nous occupons de la question de l'assimilation nutritive.Nous avons porté à la Réunion roumaine de Biologie, dès 1911, les premiers résultats de nos recherches expérimentales, que nous avons publiés en détail d'abord dans les Annales de Biologie, t. I, 1911, p. 228 (ALCAN, édit.), ensuite dans la Revista Stiintelor medicale de Bucarest1. Tous ces articles sont écrits en français.En 1916, nous avons été conduit, par la suite logique de nos investigations, à injecter un extrait aqueux de pancréas dans le sang d'un chien diabétique. Le résultat a été conforme aux prévisions: les symptômes du diabète ont été immédiatement et temporairement supprimés.Mais la guerre a temporairement interrompu nos expériences.Lorsqu'on 1920, nous avons pu les reprendre, nous avons étudié méthodiquement le phénomène découvert et en juin 1921, pour prendre date, nous avons envoyé notre article aux Archives internationales de la Physiologie de Liège, qui l'ont publié en août 1921.Cet article a eu un certain retentissement en Amérique. Ainsi nous avons reçu une lettre d'encouragement de la part de savants tels que M. ERNEST L. SCOTT, professeur de physiologie à Columbia University, New York, – lettre qui est en date du 5 novembre 1921.Un an et demi plus tard, en 1922, notre travail a été entièrement confirmé (sur les lapins) par plusieurs physiologistes et médecins canadiens de l'Université de Toronto:BASTING, BEST, COLLIP, MACLEOD and NOBLE. - "The effect of pancreatic extract (insulin) on normal rabbits". The Americ. Journ. of Physiology, 1er Septembre 1922, t. LXII, no 1, p. 163- "The effects of insulin on experimental hyperglycemia in rabbits": The Americ. Journ. of Physiology, November 1933, t. LXII; no 6Macleod – "Insulin and Diabetes" The British Medical Journal, 4 November 1922, p. 838. I Dans notre premier article1 nous avons étudié l'action de l'extrait pancréatique, injecté dans le sang, chez un animal diabétique. Nous avons extirpé entièrement le pancréas d'un chien… Puis nous avons préparé un extrait pancréatique aqueux, stérile autant que possible. Cet extrait est constitué par du hachis de pancréas auquel on a ajouté dix fois son poids d'eau distillée, stérilisée. Après un séjour de vingt-quatre heures à la glacière, on le filtre à travers une double compresse de tarlatane stérilisée; on lui ajoute 7 pour 1000 de NaCl, et on l'introduit lentement dans une veine jugulaire du chien diabétique. L'extirpation totale du pancréas produit – en plus de troubles digestifs – trois sortes d'effets qui constituent les symptômes capitaux du diabète:1: Une augmentation de la proportion de la glycose dans le sang (hyperglycémie) et son apparition dans l'urine (glycosurie);2. Une augmentation de la proportion de l'urée dans le sang et dans l'urine;3. Une augmentation de la proportion des corps acétoniques dans le sang et dans l'urine; Nous avons examiné successivement l'influence de l'injection intraveineuse d'extrait pancréatique sur les proportions de ces substances dans le sang et dans l'urine. II Dans un second article1, nous nous sommes occupés de perfectionner la préparation de l'extrait aqueux du pancréas. En effet, cet extrait contient une quantité considérable de substances albuminoïdes, qui le rendent trouble – l'empêchent de passer rapidement à travers un filtre, – et le font impropre à être injecté, sans danger d'embolies, dans une veine, chez l'animal et surtout chez l'homme. Il est donc nécessaire de pouvoir le débarrasser de la totalité, ou au moins d'une grande partie de ces substances protéiques et d'essayer ainsi d'isoler le principe actif, que nous avons nommé Pancréine.Pour cela nous avons soumis l'extrait aqueux pancréatique à l'action de plusieurs réactifs, qui précipitent ou qui coagulent les substances albuminoïdes, à savoir: Les acides et les alcalis; L'alcool; La chaleur Puis, pour savoir dans quelle partie de l'extrait se trouve la Pancréine, – nous avons pratiqué, sur des chiens rendus diabétiques par l'extirpation du pancréas, des injections intraveineuses avec:1. Le liquide qui, après la précipitation protéique, passe à travers le filtre;2. Le précipité albumineux, qui est recueilli sur le filtre. A. ACIDES ET ALCALIS. – 1 L'extrait aqueux du pancréas, additionné de HCL (10 pour 1000), change de couleur. De rougeâtre, il devient grisâtre et subit une certaine précipitation protéinique, relativement peu considérable. Il ne perd pas ses propriétés physiologiques, – surtout celles de diminuer ou de supprimer l'hyperglycémie et la glycosurie, – par suite de l'acidité du milieu, prolongée même pendant vingt-quatre heures. 2. L'extrait aqueux du pancréas, acidifié par HCl (10 pour 1000), subit une nouvelle et abondante précipitation protéinique, lorsqu'il est neutralisé par la soude caustique. Il en résulte une sorte de coagulum solide et un liquide, transparent et incolore, qui passe rapidement à travers un filtre en papier Berzelius. Ce liquide renferme encore un peu de protéines; si on lui ajoute de l'alcool, on voit s'y produire un léger précipité opalescent. Si, à l'aide d'un filtre en papier, on sépare les parties précipitées des parties liquides, on constate que:a) Le filtratum liquide conserve les propriétés physiologiques de l'extrait pancréatique, notamment en ce qui concerne la diminution ou la suppression de l'hyperglycémie et de la glycosurie;b) Le précipité est au contraire inactif. B. CHALEUR – Quand on injecte, dans une veine, chez un animal dépancréatisé et diabétique, un extrait aqueux pancréatique, porté à la température de 1000, on constate que cet extrait a perdu son activité physiologique, surtout le pouvoir de diminuer ou de supprimer temporairement l'hyperglycémie et la glycosurie. Un effet semblable se produit aussi à 700. Mais cette activité physiologique est conservée lorsque l'extrait pancréatique est soumis à une température inférieure à 500. Il en résulte qu'une température, comprise entre 5001 et 1000, paraît détruire le principe actif de l'extrait pancréatique. Par conséquent, cet extrait ne peut pas être stérilisé par la chaleur. C. ALCOOL – L'extrait aqueux du pancréas – additionné de cinq fois son volume d'alcool, à 980, – subit une abondante précipitation protéinique.Si, à l'aide d'un filtre, on sépare les parties précipitées des parties liquides, on constate que: a) Le filtrat liquide, – débarrassé de l'alcool par une évaporation à 500, conserve les propriétés physiologiques de l'extrait pancréatique;b) Le précipité est au contraire inactif. III Dans un troisième article1, nous avons cherché par quelles voies (intraveineuse, bucco-stomacale, ano-intestinale, sous-cutanée) on peut introduire, dans l'organisme, un extrait pancréatique.A. VOIE INTRAVEINEUSE – Les articles précédents ont montré que ce procédé est satisfaisant, en faisant diminuer ou même supprimer l'hyperglycémie et la glycosurie.B. VOIE SOUS-CUTANÉE – Lorsqu'on injecte sous la peau d'un chien diabétique, par l'ablation du pancréas, un extrait pancréatique, on constate une diminution ou même une suppression l'hyperglycémie et la glycosurie.Ces effets ressemblent à ceux qu'on obtient par l'injection intraveineuse.C. VOIE BUCCO-STOMACALE – Lorsqu'on fait ingérer, à un chien diabétique par l'ablation du pancréas, un extrait pancréatique, on ne constate ni diminution, ni suppression de la l'hyperglycémie et la glycosurie.D. VOIE ANO-INTESTINALE – Lorsqu'à un chien dépancréatisé et diabétique, on donne en lavement (avec une longue canule) un extrait pancréatique, on ne constate ni diminution, ni suppression de l'hyperglycémie et la glycosurie. Pareils effets expérimentaux confirment et expliquent ce que la clinique humaine a constaté depuis longtemps, à savoir que: l'ingestion par la bouche et l'administration sous forme de lavement de l'extrait pancréatique ne modifient guère le taux de glycosurie.Il semble donc que la pancréine ne peut pas passer à travers la muqueuse du tube digestif. En combinant ces divers procédés, nous avons pu obtenir, sous un faible volume et même en poudre soluble, l'extrait pancréatique, injectable dans une veine ou sous la peau.Nous appliquerons cette pancréine, ainsi préparée, au traitement du diabète chez l'homme, lorsque nous l'aurons en quantité suffisante, fournie par une société qui s'est constituée, à cette fin, à Bucarest, et qui agira sous notre direction scientifique.Si nous avons tardé jusqu'à présent à venir vous exposer nos recherches expérimentales sur le traitement du diabète, c'est que nous avons voulu fixer préalablement tous ces points de détail, qui sont indispensables en pratique.
1 Communication envoyée à l'Académie de Médecine1 PAULESCO – "Origines du glycogène". C. R. Soc. de Biol., 1913 et Revista Stiintelor medicale, Bucarest 1913. Généralités, p. 397 et 406; méthode opératoire, p. 617; hydrates de carbone, p. 698; substances albuminoïdes, p. 840; substances grasses, p. 923; acides gras, glycérine, alcool éthylique, p. 935. PAULESCO "Le glycogène dans le diabète par extirpation du pancréas" C. R. Soc. de Biol. 1920. PAULESCO et MICHAILESCO "Le glycogène dans le diabète phloridzinique" C. R. Soc. de Biol. 19201 PAULESCO – "Recherche sur le rôle du pancréas dans l'assimilation nutritive. – I. Action de l'extrait pancréatique injecté dans le sang, chez un animal (chien) diabétique". Archives internationales de Physiologie, Liège; 1921, t. XVII, p. 851 PAULESCO – "Quelques réactions chimiques et physiques appliquées à l'extrait aqueux du pancréas, pour le débarrasser des substances protéiques en excès". Archives internationales de Physiologie, mai 1923, t. XXI p. 71 1 PAULESCO – "Divers procédés pour introduire l'extrait pancréatique dans l'organisme d'un animal diabétique". Archives internationales de Physiologie, août, 1923, t. XXI, p. 215


by N.-P. Paulescu