Poésies

OR J'ENTENDISOr j'entendis rire Satan:- "Oh! Le printemps, et sa splendeur,L'adolescenceet sa candeur,Les lis et les roses d'antan!" Or j'entendis rire Satan: Or j'entendis rire Satan:- "Le vin de ta jeunesse est bu,Ton pauvre Pégase est fourbu,Et tu peux pousser ton ahan!" ROSE D'ORO! Dieu, que me voici changé!Plus blême que le naufragé,Qui lutte et qui ne peut atterrir,Je ne puis vivre ni mourir. Le mal en mon cœur s'est logé,Nul baume ne peut l'en guérir,Les ennemis m'ont outragé,Les ans sont venus me flétrir. – O! Dieu, que me voici changé!  LE VOYOUSur le gris du trottoir, les deux mains dans ses poches,S'en allait le voyou, sifflant entre ses dents:Casquette à double pont, dos voûté, jambes croches,Silhouette moderne aux coups d'œil impudents,Sur le gris du trottoir, les deux mains dans ses poches. Profilant leurs frontons sous un ciel morne et bas,Les maisons devant lui défilaient monotones,Et le crime aboyeur aux stridentes consonnesHurlait en son cerveau sonnant le branle-bas…Oh! Les mornes maisons sous un ciel gris et bas. Mais pendant que sur le gris flotte et domine,L'écarlate du sang emporte le voyouEt vers son tourbillon à grand pas s'achemine…Tu vois du moins l'automne en rouge, pauvre fou,Tandis qu'en nous toujours le gris flotte et domine. PARIS CAUCHEMAR(1870-1871)Un ciel de gouffre, et des nuages très opaques,Nuit d'horreur, – mais, parfois, la lune dans le bleu,Et Paris, et l'hiver grelottant sur les flaques,Et les longs boulevards et ses lignes de feu. Et des rires affreux, et partout, l'homme pâleDressé, spectre farouche au-dessus du grand bruit,Et la cité – chaos, et son immense râle,Et ses miroitements s'abîmant dans la nuit. Paris-Cauchemar, et Paris-Désespérance,Réel enfer, à nul fictif enfer pareil,Salut, pourtant, cité noble, Paris-France,Merveille unique, et malgré tout, Paris-Soleil. (Du recueil "Bronzes")


by Alexandru Macedonski (1854-1920)