Contribution Roumaine Au Développement De L'aviation Mondiale

Le "voyage aérien" pour devenir "crédible" et "réel" exige pour les appareils de vol 5 conditions essentielles et absolument indispensables, les unes rattachées aux autres. Permettez-moi de vous en faire l'énumération. 1. L'appareil doit être en mesure de quitter le sol par ses propres moyens du bord, sans avoir à recourir à aucune aide extérieure provenant du sol. C'est ce que l'on appelle "le décollage indépendant".2. Qu'ayant quitté le sol, l'appareil puisse se mentir en l'air, sans aucune aide extérieure et parvenir, ensuite, à se déplacer dans l'espace.3. Que cet appareil, en circulant dans l'espace, ait la maniabilité suffisante pour voler dans n'importe quelle direction sans risquer aucun incident de vol qui lui fasse perdre son maintien acquis dans l'espace, quelqu'en soient les virages, les ascensions, les descentes ou tout autres maniements de l'avion exigés par le voyage aérien.4. Que l'appareil, en fin de voyage aérien, puisse redescendre sans risques et atterrir dans les meilleures conditions, quelles que soient les difficultés que présenterait un terrain d'atterrissage, évidemment dans les limites possibles du pilotage.5. Qu'après chaque atterrissage, l'avion puisse repartir, en décollage "indépendant" et cela le nombre de fois que le voyage aérien pourrait l'imposer. Jusqu'en ces premières années du 20e siècle, donc, aucune de ces 5 conditions n'avait pu être réalisée. Il est vrai – et il est bon de le dire pour ne pas faire d'omissions à l'Histoire de l'Aviation – en Union Soviétique, du temps de Staline, l'Académie des sciences d'URSS avait informé l'Occident qu'un officier de la Marine Russe, du nom de Mojaiski, avait réussi, pour la première fois au monde, un vol "indépendant", en réalisant les 5 conditions citées ci-dessus. Certains auteurs étrangers – et surtout des pays satellites de l'URSS – en ont tenu compte. Mais Staline disparu, l'Académie des Sciences de l'URSS a publié un communiqué annulant cette information déclarée erronée "par suite d'informations peu claires à son sujet". Il parait que Mojaiski n'aurait construit qu'un modèle réduit qu'il aurait fait voler comme un cerf-volant en le tractant du sol, en véritable jouet. Et c'est ainsi que Mojoiski fut éliminé de la compétition des priorités de l'Avion. Enfin le 15 décembre 1903 une nouvelle sensationnelle parvient au monde depuis les Etats Unis. Deux Américains, constructeurs de bicyclettes, les frères Wright, ont décollé avec un appareil plus lourd que l'air, de sur la plage de Kitty Hawk et ont parcouru en vol à peu près 200 m. Un plus lourd que l'air, même s'il n'avait pas décollé en vol "indépendant", avait réussi à se maintenir dans l'espace sur près de 200 m de parcours et avait atterri en atterrissage "indépendant". C'était déjà beaucoup! Peut-être était-ce tout ce qu'on pouvait faire avec les plus lourds que l'air, et les constructeurs du monde se misent au travail. Suivant les idées des Wright, ce qui les intéressait, avant tout, c'est le maintien en l'air de l'appareil aérien et ses possibilités de se déplacer dans l'espace. Ils s'y acharnèrent donc: les uns pensèrent, pour le décollage, à la traction automobile; d'autres, comme Blériot, jugèrent que la traction sur un plan d'eau garantirait un bon nombre de paramètres et ils firent usage des canots-automobiles; d'autres, comme Santos Dumont, qui avait débuté en construisant des dirigeables, pensèrent qu'il serait moins risqué de soulever l'avion avec un ballon qui à une certaine hauteur le lâcherait, lui permettant ainsi de se maintenir en l'air et puis de circuler. Mais tout cela ne changeait rien à l'inefficacité de pouvoir réaliser "le voyage" puisque – pour pouvoir redécoller – il fallait courir et suivre l'appareil en vol, afin qu'au redécollage celui-ci puisse bénéficier à nouveau des moyens extérieurs dont il avait fait usage à son premier décollage. Pour dire combien le maintien d'un tel procédé aurait été encombrant et coûteux, n'est rien à côté du ridicule qui en aurait découlé, sans aucun effet de progrès pour la réalisation du voyage aérien. C'est alors qu'au printemps de l'année 1903 – c'est à dire en suivant les dates du calendrier de l'année, à peu près 7 mois avant le vol des frères Wright aux Etats-Unis – arrive à Paris un Roumain, un ingénieur modeste qui ne paie pas de mine, et dont on ignore complètement le nom et ses recherches. Il vient du Banat – en 1903, province peuplée de Roumains de l'Empire Austro-Hongrois. Ce Banat qui au 18e siècle avait fait l'objet d'une colonisation lorraine initiée par l'impératrice Marie-Thérèse. Il s'appelle TRAJAN VUIA. Certains auteurs d'Histoire de l'Aviation en font un hongrois, vu l'appartenance du Banat à l'Empire, mais Vuia est Roumain à 100%, minoritaire roumain qui s'affirme comme tel. Son prénom, d'ailleurs, de Trajan en fait le digne successeur latin de l'empereur romain qui fit, en son temps, la conquête de la Dacie, prénom d'ailleurs totalement inexistant parmi les populations hongroises. Dans sa province, si éloignée de l'Occident, il se passionne, malgré une poste qui ne fonctionne qu'à peu près, des recherches que l'on fait en Europe pour la conquête de l'air, et ayant opté à son tour pour les plus lourds que l'air qu'il croit devoir triompher, il se met à étudier avec méticulosité ce que Clément Ader avait essayé de réaliser, sans, toutefois, en avoir pu obtenir les succès mérités. Dans ces plans c'est encore à un monoplan à aile haute qu'il songe. Comme celui d'Ader, mais avec un profil d'aile différent. L'aile "Chauve-Souris" avait, pensait-il, des inconvénients de portasse. Le train d'atterrissage lui parait impensable pour une bonne vitesse au roulage et il est le premier au monde à penser aux pneus – Blériot et tous les autres le suivront. Il y a aussi l'hélice souple qui ne pouvait pas aller. De même la cabine de pilotage à étage qui va à l'encontre de l'aérodynamique et d'autres détails encore qui – pensait-il – en dehors du poids, avaient empêché Ader à voler. Il pensa, alors, à "l'aéroplane-automobile", au corps allongé et aux ailes repliables, telles celles des oiseaux. Automobile, certes, de beaucoup allégée, mais pouvant donner la vitesse nécessaire au décollage. Et c'est avec cette serviette bourrée de plans et de calculs qu'il arriva à Paris. Il va tout droit à l'Académie des Sciences pour soumettre et faire valoir son projet et éventuellement se faire aider financièrement pour le réaliser; car Vuia débarquait à Paris les poches vides!L'Académie des Sciences, déjà déçue de ce qu'Ader n'avait pu réaliser – bien qu'elle l'ait aussi encouragé – et, de plus, le projet Vuia porte sur un "aéroplane" – "automobile" dont seul le nom faisait déjà sourire – classa le projet, le considérant une utopie. Trajan Vuia le fit alors enregistrer au Bureau Français des Brevets le 15 Mai 1903 avec publication officielle le 19 Août 1903, c'est à dire si l'on se rapporte au vol des frères Wright, de 4 mois avant ce vol des américains à Kitty Hawk. Ce qui signifie que si Vuia avait eu les moyens financiers pour construire son appareil dès l'obtention de son brevet, il aurait été en mesure de passer à son vol 4 mois avant les frères Wright. (C'est ce que souligne, d'ailleurs, "Aéro-France", la Revue de l'Aéroclub de France dans son no. 65, avril-mai 1993 – à la rubrique des "Ephémérides"). Mais, hélas, pour Vuia, sans possibilités matérielles pour passer de suite à la construction de son avion, son vol ne put se réaliser qu'en 1906 – c'est à dire 3 ans après avoir obtenu son brevet – avec le même appareil qu'il avait conçu et présenté en plans et calculs le 15 mai 1903! Ce qui signifie que l'enthousiasme mondial que déclencha la réalisation des frères Wright, le 15 déc. 1903, se serait entièrement tournai vers Trajan Vuia qui – de plus – aurait réalise le "vol indépendant" que frères Wright n'avaient pas réussi de faire! Découragé par cet incident de parcours dû uniquement à un manque de soutien financier, Vuia pensa même à abandonner! Mais c'est alors que Vuia rencontra Georges Besançon "la grosse tête" de l'Aéroclub de France qui en était aussi, le secrétaire général, et qui le prit tout de suite en sympathie. L'Aéroclub de France, d'autre part, était la première autorité aéronautique du monde crée pour encourager et soutenir les grands projets de l'Aviation. Ce fut, dès sa création, une véritable Académie de l'Air, considérée comme telle partout dans le monde. Pendant longtemps elle fut aussi l'Autorité aéronautique qui rédigea toute la législation aéronautique de la France, modèle longtemps universel dans ce domaine. C'était loin d'être un "aéroclub" tel que nous l'entendons aujourd'hui sous la forme d'un club sportif et de formation de jeunes tel qu'il en existe un peu partout, aujourd'hui, en Europe et dans le monde. Besançon, donc, qui se prit d'amitié pour Vuia, l'aida à réaliser son projet dans l'atelier de Courbevoie en lui payant tous les frais. Ce sont les ateliers Hockenpas et Schmitt, dont les patrons sont les amis de Besançon et contribuent à aider Vuia. Mais ce ne sont pas les seuls. Victor Tatin, constructeur de véhicules mécaniques, déjà connu, y apporte sa contribution en construisant l'hélice de "l'aéroplane-automobile" de Vuia. Et voici que des amis roumains suivent: Sturdza, Brediceanu du Banat et même le jeune Nicolas Titulesco, qui deviendra plus tard, par deux fois, Président de la Société des Nations et passionné d'aviation aura l'initiative de créer la "Franco-Roumaine", première compagnie transcontinentale du monde, ralliant Paris à Constantinople en passant par Bucarest en 1920, et plus tard devenant "Air-France". La construction s'achève, ensuite, à Sartroville et en 1905, l'avion est prêt à faire ses premiers essais. Mais deux raisons font que ces essais doivent être retardés. L'année est mauvaise. Les jours choisis s'avèrent défavorables, mais surtout Besançon est malade et doit se faire opérer. Il implore Vuia de l'attendre. Pour Vuia, c'est le seul soutien official. Et Vuia l'écoute et attend. La maladie de Besançon se prolonge, Vuia décide d'essayer seul. Et il choisit la journée du 18 Mars 1906, journée radieuse et favorable pour faire, le plus discrètement possible, un premier essai, sur la route de Montesson qui mène à Saint Germain en Laye. Il ne prévient que quelques amis et les ouvriers qui avaient contribué à la construction de son appareil. Il ne prévient même pas les autorités municipales de Montesson qui sont tout à côté de l'endroit des essais. Son avion mis en place, Vuia passé aux commandes, déploie les ails de son monoplan, fait rouler son appareil de plus en plus vite et à la stupéfaction de tous, celui-ci décolle visiblement, au point même d'avoir pu être photographie en vol, par un journaliste de passage, reporter de "l'Auto", célèbre revue d'automobile de l'époque. Le vol fut court. L'avion de Vuia était doté d'un tout petit moteur serpolet de 25 CV a anhydride carbonique liquide – c'est à dire un combustible qui ne pouvait lui permettra un fonctionnement que de 2 à 3 minutes, soit pour franchir tout au plus une distance de 10-15 m. Il vola sur 12 m à une vitesse de 50-60 km/h, mais en vol totalement "Indépendant" de par les seuls moyens du bord! Et c'est ainsi que l'on peut affirmer – vu les échecs d'Ader signalés par les uns ou meme "l'énigme du vol d'Ader" formulée par ses partisans qui pensent quand même qu'Ader avait quitte le sol – que pour la première fois au monde, "en vol indépendant" incontesté et incontestable puisqu'il fut même photographie, Trajan Vuia est bien celui qui a ouvert, pour l'Aviation, la grande voie de son développement d'aujourd'hui. Ce fut l'essor du "voyage aérien" et des grandes lignes contemporaines de l'aviation de transport. Pour reprendre l'Histoire de l'Aviation de René Chambes, celui-ci affirmera: "Vuia fut le premier en date, mais son nom, aujourd'hui, est injustement oublié" (R. Chambe, chap. IV: "L'Epoque Héroïque"). Dans l'annuaire International de l'Aéronautique de 1911 qui publie un compte rendu sur l'année 1906, il est dit à la page 148, je cite: "D'autre part, le doute continue à planer sur les résultats valables des expériences des frères Wright… il nous reste à parler toutefois, pour en finir avec cette année, du monoplan de l'aviateur Vuia, un appareil monoplan fort ingénieux et qui ne doit qu'à ses ressources restreintes de n'avoir pas donné des résultats plus définitifs. Si son appareil abonde en détails ingénieux, il est fort probable qu'il ne donne pas les résultats qu'il mérite parce que Vuia, dédaignant le moteur à pétrole, a essayé de construire un moteur à anhydride carbonique de très faible durée de fonctionnement" (fin de citation). Dans France Aviation, revue d'Air France, il est publié, je cite: "Si le décollage de Clément Ader et les vols des frères Wright ont, en effet, donné lieu – à tort ou à raison – aux polémiques que l'on connaît, le succès de Trajan Vuia n'est pas contestable… Il eut lieu sur la route de Montesson près de Paris devant des témoins et fut même photographié. C'était le 18 mars 1906, six mois avant le fameux vol de SantosDumont, à Bagatelle. Il est regrettable que Trajan Vuia, qui avait épuisé toutes ses ressources financières dans la construction de son appareil n'ait pu poursuivre son entreprise, ne bénéficiant, de ce fait, d'aucune publicité" (fin de citation). Trajan Vuia avait donc entièrement réussi ce que l'humanité attendait de la part de la contribution mondiale à la construction aéronautique. Et si la distance parcourue par Trajan Vuia ne fut que de 12 mètres, à cause d'un moteur que Besançon avait déjà entrevu être trop faible, ces 12 mètres se multiplieront, de par les années à venir, en milliers de kms et jusqu'à la réalisation du tour du monde sans escale que feront les successeurs de Vuia! La modestie "chronique" de Trajan Vuia, encourage ses concurrents à l'exploiter, sans le minimiser, certes, mais en le rendant peu connu, avec l'idée de le rattraper dans la course et le dépasser. Besançon qui s'en rend compte lui conseille de passer sur le terrain militaire d'Issy-les-Moulineaux. Et c'est ce que fait Vuia, mais en modifiant son appareil pour le rendre plus performant. Il construit le "Vuia 1 bis". Celui-ci diffère de "Vuia no